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LA TRACE

sons récemment commencées. C’est une petite taverne borgne et honteuse, sur laquelle on lit, écrit en grosses lettres noires : Old tom à quatre pence le litre et gin à un penny le verre. Ce misérable cabaret n’a jamais vu de meilleurs jours, et n’espère pas en voir jamais de meilleurs. Les hommes qui le fréquentent sont quelques flâneurs d’une fabrique voisine ou les charbonniers dont les bateaux sont amarrés près de là. Par les après-midi pluvieuses, ces gens peu occupés viennent jouer, dans une petite salle, avec des cartes crasseuses et écornées ; ils marquent les points en promenant sur la table graisseuse leurs doigts préalablement trempés dans la bière. Ce n’est pas un lieu bien séduisant pour se divertir que ce cabaret borgne ; quoi qu’il en soit, il semble attirer la femme à l’enfant, car elle jette en passant un regard d’envie sur sa porte ; elle fouille dans sa poche, finit par y trouver trois demi-pence, juste ce qu’il lui faut, à ce qu’il paraît, car elle franchit le seuil boueux, et deux minutes après elle reparaît essuyant ses lèvres.

En même temps elle heurte un homme, enveloppé dans un paletot d’hiver, et dont la partie inférieure du visage est enfouie sous un épais cache-nez.

« Je pensais que vous ne viendriez pas, dit-elle.

— Ah vraiment ! Alors vous vous trompiez ; mais vous auriez pu avoir raison, car, si je viens, c’est