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DU SERPENT.

L’enfant que porte cette femme est tout tremblant ; il est vrai que l’atmosphère humide et brumeuse des rives du Sloshy est peu faite pour ranimer les esprits ou égayer le tempérament des enfants ou même d’une grande personne. La femme presse l’enfant avec impatience sur sa poitrine, et jette sur ses traits débiles un regard étrange qui n’a rien de maternel. Pauvre malheureuse créature ! peut-être ne voit-elle pas en ce léger fardeau un enfant ; elle ne voit peut-être en lui qu’une honte, une gêne, une douleur. Elle a été jolie ; c’était, il y a un an peut-être, une brillante beauté de campagne ; mais maintenant elle n’est plus qu’une créature fanée, rongée par les soucis ; son visage est pâle, et un cercle creux entoure ses yeux ; elle a joué la seule partie qu’une femme ait à jouer, et perdu le seul enjeu qu’une femme ait à perdre.

« Viendra-t-il, ou bien me faudra-t-il souffrir encore pendant un long jour. Tais-toi… tais-toi donc… comme si je n’avais pas encore assez de peine à te porter sans que tu cries. »

C’est au baby tout tremblant qu’elle adresse ces mots ; mais le petit bonhomme est engagé dans une lutte violente avec sa casquette, et il vient d’arracher une poignée de la filasse qui en tapisse le fond.

Sur cette rive sinistre du Sloshy on voit une sorte de cabaret à l’aspect également sinistre et de construction ancienne, bien qu’il soit entouré de mai-