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DU SERPENT.

CHAPITRE V.

LA RIVIÈRE GUÉRIT BIEN DES MAUX.

Ce n’est pas une belle rivière que le Sloshy ; à moins cependant qu’un amas de vase liquide ne soit un beau spectacle, car le Sloshy est extrêmement vaseux. Le Sloshy est une sorte de compromis désagréable entre une rivière et un canal. C’est une espèce de canal qui (comme la grenouille de la fable) ayant vu une rivière, veut se faire aussi gros qu’elle. Le Sloshy éprouve fréquemment le besoin de grossir ; il sort de son lit et engloutit, comme si de rien n’était, quelques maisons, et, une ou deux fois l’an, il va déposer son ignoble limon jusque dans les faubourgs de la ville. Il n’aime pas les enfants, et l’on sait qu’il a étouffé dans son sein l’espoir de bien des familles. Souvent on l’a vu porter jusqu’à la mer lointaine le chapeau de paille de Clara ou la blouse de Johnny qu’il étale à sa surface comme un étendard de triomphe, car il traite par-ci par-là quelque petite affaire avec le personnage au pâle coursier.