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LA TRACE

tout un poste en éveil pendant une nuit entière, en criant à tue-tête : « Bonne nuit, messieurs les policemen ! »

Ce n’est jamais un voyage bien gai que celui de Slopperton à Gardenford, et par cette matinée de novembre, humide et brumeuse, le trajet est encore plus triste que de coutume. Il faisait encore nuit noire à six heures et demie. La station était éclairée au gaz, et une petite lampe brûlait dans l’intérieur du wagon ; sans la lueur faible et incertaine qu’elle répandait, les deux voyageurs n’auraient pu se voir. Richard mit la tête à la portière pendant quelques minutes, puis il lia conversation avec son compagnon de voyage ; mais bientôt il garda le silence (car il se sentait tout attristé d’avoir quitté sa mère si brusquement après leur réconciliation) ; ensuite, ne sachant comment passer le temps, il prit la lettre adressée par son oncle au négociant de Gardenford, et en lut la suscription. Cette lettre n’était pas cachetée, mais il ne la sortit pas de l’enveloppe.

« S’il dit du bien de moi, c’est beaucoup plus que je ne mérite, pensa Richard ; mais je suis jeune encore, et je puis réparer le passé. »

Réparer le passé ?… Pauvre Richard !…

Il tordit la lettre dans ses mains, alluma une autre pipe, et fuma jusqu’à l’arrivée du train à Gardenford. Encore une affreuse journée de novembre !

Si Richard eût été un peu observateur, il n’eût pas