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LA TRACE

— Je ne puis vous la vendre, dit-il, aussi tranquillement que s’il eût parlé de quelque bagatelle sans importance.

— Vous ne pouvez ? s’écrie-t-elle.

— Non, mademoiselle. Je suis un homme entièrement absorbé dans la recherche de la science. Ma vie a été depuis si longtemps consacrée à la science seule, que peut-être en suis-je venu à considérer trop légèrement tout ce qui sort du cercle de mon petit laboratoire. Vous m’avez demandé un poison, il y a quelque temps, ou du moins vous fûtes introduite ici par un de mes élèves, à la prière duquel je vous vendis ce poison. J’ai été pendant vingt ans occupé de l’étude de cette substance. Je puis ne pas en connaître encore complètement les propriétés, mais j’espère y parvenir avant que l’année soit écoulée. Je vous la donnai, et quoique je veuille bien croire le contraire, elle peut dans vos mains avoir été la cause de quelque méprise. »

Il s’arrête et la regarde un moment ; mais elle a depuis si longtemps la conscience de son crime, celui-ci s’est tellement identifié avec elle-même, qu’elle ne sourcille pas devant l’examen du chimiste.

« J’ai mis une arme dans vos mains, continue-t-il ; et je n’avais pas le droit d’agir ainsi. Je ne réfléchis pas à cela alors, mais j’y ai réfléchi depuis. Au reste, je n’ai aucun motif qui m’engage à vous vendre la substance que vous me demandez. L’ar-