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DU SERPENT.

ment au milieu de cette vaste assemblée, et de déclarer solennellement que je suis une vile et horrible meurtrière, et que vous êtes mon tentateur et mon complice. Croyez-moi donc, quand je vous dis qu’il suffit d’un seul de vos regards pour me pousser à publier ce hideux secret, et à en crier les détails, même sur la place publique. Croyez cela, et restez satisfait avec le salaire de votre œuvre. »

Épuisée de fureur, elle tombe sur son siège. Il la regarde d’un air dédaigneux et railleur ; il la méprise pour cette éruption soudaine de rage et de haine, car il sent combien, avec son esprit calculateur et son tempérament de glace, il lui est supérieur.

« Vous êtes tant soit peu précipitée, madame, dans vos conclusions. Qui a dit que j’étais mécontent du salaire de mon œuvre, quand c’est pour ce salaire seul que j’ai joué la partie dans laquelle, comme vous le dites, je suis le gagnant ? Au reste, je ne pense pas être homme à briser mon cœur pour l’amour de n’importe quelle femme vivante, n’ayant jamais bien compris que cette maladie du cerveau, à laquelle les hommes ont donné le nom d’amour, pût réellement exister ; et lors même que l’éclat de beaux yeux noirs serait chose nécessaire à ma félicité, je n’ai pas besoin de vous dire, madame, que la beauté est très-complaisante pour un homme avec une fortune aussi considérable que