Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome I.djvu/310

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
302
LA TRACE

« J’eus le bonheur d’apprendre d’un voisin que vous étiez une des femmes les plus riches de France. Savez-vous, mademoiselle, comment un aventurier, possesseur d’une figure passablement belle et d’une tournure suffisamment aristocratique, calcule généralement pour s’enrichir, ou si vous ne le savez pas, pouvez-vous le deviner ?

— Non, dit-elle, le fixant en ce moment comme si elle était en catalepsie et qu’il eût eu sur elle un pouvoir magnétique.

— Alors, mademoiselle, je dois vous instruire. L’aventurier qui ne se soucie pas de grisonner et de devenir décrépit en faisant fortune par ces moyens lents et incertains que l’on appelle industrie honnête, cherche autour de lui une fortune toute faite et qui n’attend que lui pour la réclamer, il fait un riche mariage.

— Un riche mariage ! »

Elle répète les mots après lui comme machinalement.

« En conséquence, mademoiselle, en vous voyant et en apprenant l’étendue de votre fortune je me suis dit : voilà la femme que je dois épouser.

— Monsieur !… »

Elle se relève avec indignation mais l’effort est trop grand pour son corps brisé et elle tombe d’épuisement à la renverse.

« Non, mademoiselle, je ne dis pas voilà la femme