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LA TRACE

« Vous avez été assez sincère, monsieur, pour m’avouer, quand vous m’avez servie là-bas à Paris, que vous agissiez ainsi dans le but d’une récompense. Vous êtes ici sans doute pour la réclamer ? »

Il lève les yeux sur elle avec un regard d’un éclat si étrange et un si singulier sourire recourbe la noire moustache qui cache la ligne mince de ses lèvres, qu’elle ne peut s’empêcher de tressaillir en le considérant avec anxiété. Il a résolu que dans la partie qu’ils vont jouer elle n’aura pas de cartes cachées, et qu’il pourra lire, par conséquent, sur son visage privé de tout masque de froide indifférence. Après un instant de silence, il répond à sa question.

« Je suis ici pour cela.

— C’est bien, monsieur, soyez assez bon pour fixer la somme que vous réclamez pour vos services.

— Vous êtes déterminée, mademoiselle, à ce qu’il paraît, dit-il, le même feu étrange brillant dans ses yeux, vous êtes déterminée à ne me prêter que les sentiments les plus cupides. Supposez que je ne réclame aucune somme d’argent en payement de mes services.

— Alors, monsieur, je vous ai mal jugé. Vous êtes un scélérat désintéressé et, comme tel, digne du respect des méchants. Dans ce cas notre entrevue est terminée. Je suis fâchée de vous voir refuser