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DU SERPENT.

Tous les bâtiments d’alentour tombaient en ruine, le château avait été saccagé, et une de ses ailes brûlée en 1793 : le marquis, alors petit garçon, avait fui avec son père vers les rivages hospitaliers de l’Angleterre, où, pendant vingt ans et plus de sa vie, il avait vécu dans la misère et dans l’obscurité, enseignant sa langue natale, les mathématiques, la musique, tantôt une chose, tantôt une autre, pour gagner son pain de chaque jour. Mais avec la restauration des Bourbons, arriva la restauration du marquis dans ses titres et dans sa fortune. Un riche mariage avec la veuve d’un opulent bonapartiste rétablit la maison des de Cévennes dans sa primitive splendeur ; et en considérant aujourd’hui le chef hautain et majestueux de la famille, il était difficile d’imaginer que cet homme avait enseigné le français, la musique et les mathématiques, à quelques shillings le cachet, dans les obscures écoles d’une ville manufacturière d’Angleterre.

Le parc désolé qui entourait le château en ruines plus désolé encore, était couvert d’une couche blanche de neige, sur laquelle passaient les domestiques et les servantes, les paysans des environs, allant et venant du village pour quelque message ou quelque commission, enfonçant jusqu’aux genoux, ou bien près de se perdre dans quelque trou imprévu, sur lequel les flocons blancs avaient été entraînés, et s’étaient accumulés en masses d’une profondeur