Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome I.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
284
LA TRACE

pour laisser entrer d’abord une procession de moines en noir et encapuchonnés, psalmodiant un chant funèbre. Puis, pâle, hautaine, l’œil ardent de vengeance, la terrible Lucrèce s’élance sur le devant de la scène.

Triomphante et pleine de mépris, elle dit aux compagnons de Gennaro que leur sentence est prononcée, en montrant du doigt, dans l’ombre du fond, une rangée de cinq cercueils qui attendent ceux qui ont été désignés pour les occuper. L’auditoire, rivé par l’intérêt de la scène, attend cette question émouvante de Gennaro : « Alors, Madame, où est la victime ? » et lorsque de Lancy sort de derrière ses camarades, tous les yeux sont fixés sur lui. Il s’avance vers Lucrèce, essaye de chanter, la voix lui manque à la première note, il étreint convulsivement son gosier avec sa main, fait en chancelant un ou deux pas en avant, puis tombe pesamment sur le plancher. La consternation et la confusion règnent aussitôt sur la scène ; on se rassemble autour de lui, un des acteurs s’agenouille et soulève sa tête, en ce moment le rideau tombe.

« J’étais certain qu’il était malade, dit M. Rinval ; je crains que ce ne soit une apoplexie.

— C’est une insinuation peu charitable, dit le marquis ; mais enfin ne penseriez-vous pas qu’il fût possible que le jeune homme fût en état d’ivresse. »

Il y eut un grand bourdonnement de surprise