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DU SERPENT.

ques, au rouge et au blanc, n’est-ce pas vrai ? » demande-t-elle d’un air de mépris, quoique en parlant elle pense à la chevelure noire que ses doigts blancs lissèrent si souvent en l’écartant de son large front, en ce temps passé depuis quelques jours seulement, et qui lui semble écoulé depuis des siècles. Elle a souffert les douleurs de toute une existence en perdant le rêve heureux de sa vie.

« Voyez, dit M. Rinval ; Gennaro a la coupe empoisonnée dans la main. Il joue très-mal, il se soutient d’une main sur le dossier de cette chaise, quoiqu’il n’ait pas encore bu le fatal breuvage. »

De Lancy était, en effet, appuyé et se soutenait sur une chaise à forme gothique qui était sur la scène. Une fois il passe la main sur son front comme pour rassembler ses sens égarés, puis il boit le vin, et s’avance pour chanter. Bientôt, cependant, chaque exécutant de l’orchestre lève la tête comme foudroyé. Gennaro a cessé de chanter au milieu d’un trait, mais Maffio Orsini reprend le passage et l’opéra continue.

« Ou il est malade, ou il ne sait pas la partition, dit M. Rinval ; s’il est dans le dernier cas, c’est réellement indécent, et il abuse de l’indulgence du public.

— C’est toujours le cas avec ces acteurs favoris ; n’est-il pas vrai ? » dit Valérie.

En ce moment le fond de la scène s’entr’ouvre