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LA TRACE

« Non, dit-elle, je n’ai jamais été une admiratrice aussi enthousiaste que vous l’êtes de ce jeune homme, M. Rinval. Je ne saurais penser que le monde dût finir, s’il lui arrivait de faire une fausse note. »

Le jeune Parisien se penche sur le fauteuil de la jeune fille, admirant sa grâce et sa beauté ; admirant peut-être au-dessus de tout, la hautaine indifférence avec laquelle elle parle du chanteur, comme si c’était chose trop en dehors de sa sphère que de s’inquiéter de lui, même un seul instant. Elle l’étonnerait bien davantage, tout en amoindrissant son admiration, s’il pouvait savoir que tandis qu’elle lève les yeux sur lui, avec un visage radieux, elle ne peut même le distinguer debout à côté d’elle ; que pour ses yeux pleins de nuages, la salle est un grand océan de vagues de lumière et de regards ardents, et que dans le milieu de ce vaste chaos de sang et de feu elle voit l’image de son amant, mourant par la main qui l’a comblé de caresses.

« Maintenant, à la scène du banquet, dit M. Rinval. Ah ! voici Gennaro, n’est-il pas magnifiquement beau dans son pourpoint de velours rose et or ? Cette perruque vénitienne lui sied bien ! c’est une perruque, je suppose ?

— Oh, incontestablement ! ces sortes de gens empruntent la moitié de leur beauté aux perru-