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DU SERPENT.

Sa main gauche repose toujours sur la chevelure noire qu’elle ne peut toucher, même en ce moment, sans une tendresse qui, ne faisant plus partie de sa nature aujourd’hui, semble être une relique du naufrage de son passé ; elle étend son bras droit vers une table à côté d’elle, sur laquelle se trouvent des carafes et des verres qui à son toucher rendent un son argentin.

« Je veux essayer de vous guérir de vos imaginations, Gaston. Mon médecin m’ordonne de prendre chaque jour à ma collation un verre de ce vieux madère que mon oncle aime tant. On n’a pas retiré le vin, vous en prendrez ; versez-le vous-même, voilà le flacon. Je vous tiendrai le verre. »

Elle tient d’une main ferme le verre artistement taillé, tandis qu’il y verse le vin. La lumière du feu vacille, et il répand quelques gouttes de la liqueur sur sa robe. Ils rient tous les deux de cet accident, et son rire à elle résonne et est le plus éclatant des deux.

Il y a une troisième personne qui rit aussi, mais son rire est silencieux. Cette troisième personne est M. de Marolles, qui se tient derrière la porte entr’ouverte conduisant dans le cabinet de toilette de Valérie.

« Ainsi, se dit-il à lui-même, cela marche même mieux que je ne l’avais espéré. Je craignais que le beau visage du jeune homme n’ébranlât sa résolu-