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DU SERPENT.

tit paquet donné par M. Blurosset, qu’elle a gardé tout ce temps ; mais elle ne lui répond pas.

« Vous le recevrez demain, ou après-demain soir tout Paris apprendra ce romanesque ou plutôt ce ridicule mariage. Il sera dans tous les journaux, en caricature à tous les étalages de libraires. Le Charivari aura un ou deux bons mots sur lui, et les gamins le crieront dans les rues comme un récit intéressant, véridique et extraordinaire, pour un sou seulement. Mais, au reste, je vous l’ai déjà dit, vous êtes supérieure à votre sexe, et vous vous inquiétez peut-être fort peu de tout cela.

— Je le verrai demain soir à la brune, dit-elle d’une voix basse et rauque, nullement agréable à entendre, et je ne le verrai plus jamais après la soirée de demain.

— Encore une fois, alors, bonne nuit, dit Raymond. Mais, attendez ; M. Blurosset vous prie de prendre ceci, c’est une potion opiacée. Au reste, murmure-t-il en riant, tandis qu’il la regarde d’une façon étrange, vous êtes parfaitement assurée de son innocence ; souvenez-vous que je n’ai pas encore été payé. »

Il salue et quitte le salon. Elle ne lève pas un instant les yeux pour le regarder, tandis qu’il lui dit adieu. Ces yeux caves et secs sont fixés sur la lettre qu’elle tient dans sa main gauche. Elle pense à la première fois où elle a vu cette écriture,