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DU SERPENT.

pas, mais en ce moment elle est indifférente à tout.

Il n’y a rien de bien alarmant dans l’aspect de la chambre dans laquelle Raymond la conduit, c’est un petit appartement gai, parfaitement éclairé. Près d’un petit poêle se trouve une table devant laquelle est assis un homme, à l’air distingué, de quarante ans environ. Sa figure est très-pâle, son large front est laissé à découvert par une chevelure rejetée derrière ses oreilles ; il porte des bésicles bleues, qui cachent complètement ses yeux, et jettent comme une ombre sur son visage. Il serait impossible de lire sa pensée ; car, cet homme a une particularité, c’est que sa bouche, qui est généralement chez tout le monde le siège principal de l’expression, n’en possède pas la moindre. C’est une ligne mince et droite, qui s’ouvre et se ferme quand il parle, mais qui jamais ne s’arrondit pour sourire, ou jamais ne se contracte pour exprimer la mauvaise humeur.

Il est extrêmement absorbé, penché qu’il est sur un paquet de cartes étalé sur le tapis vert qui couvre la table, comme s’il était à jouer l’écarté sans adversaire, quand Raymond ouvre la porte ; mais il se lève à la vue de la dame, et s’incline profondément devant elle. Il a l’air d’un savant plutôt que d’un homme du monde.

« Mon bon Blurosset, dit Raymond, je vous amène