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DU SERPENT.

prierai-je de descendre et de faire quelques pas avec moi ? »

La dame, qui porte un voile épais, incline la tête pour toute réponse, mais elle est à côté de lui en un instant. Il donne quelques ordres au cocher, qui se retire à une petite distance ; puis il offre son bras à Valérie.

« Non, monsieur, dit-elle d’une voix sèche et dure, je puis vous suivre ou marcher à côté de vous ; j’aime mieux ne pas prendre votre bras. »

Il est peut-être bon pour elle que la nuit soit assez sombre pour l’empêcher de voir le sourire qui relève sa noire moustache, et l’éclair qui traverse ses yeux bleus. Il a quelque chose du physiologiste aussi bien que du mathématicien, cet homme, et il peut dire ce qu’elle a souffert depuis la nuit dernière, au changement seul de sa voix. Le son en est triste et monotone, et le timbre naturel semble s’être évanoui pour jamais. Si les morts pouvaient parler, ils parleraient ainsi.

« De ce côté, madame, dit-il. Mon premier objet est de vous convaincre de la trahison de l’homme pour lequel vous avez fait de si grands sacrifices. Aurez-vous la force de survivre à la découverte ?

— J’ai bien survécu à la nuit dernière ! Allons, monsieur, ne perdons plus de temps en paroles, ou