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DU SERPENT.

les années dépensées dans l’ivresse, l’indifférence, et la folie, ont laissé des traces profondes. Il s’efforce de tenir allumé un mauvais cigare, et quand il s’éteint, ce qui arrive deux ou trois fois en cinq minutes, il laisse échapper des expressions qui, à Slopperton, sont considérées comme extrêmement grossières.

Il se parle à lui-même quand il n’est pas exclusivement occupé de son cigare.

« Fatigué, affamé, malade et glacé, c’est une singulière rentrée dans sa ville natale, pour le fils unique d’un homme riche, surtout après une absence de sept ans. Je me demande quelle est l’étoile qui préside à ma destinée ; si je le savais, je lui montrerais le poing, murmurait-il en regardant deux ou trois faibles lumières qui brillaient à travers la pluie et le brouillard. J’ai encore un mille à faire pour arriver au Moulin Noir, et alors que va-t-elle me dire ? Peut-elle faire autrement que me maudire ! Qu’ai-je gagné par une vie comme la mienne, sinon la malédiction d’une mère ? »

En ce moment son cigare s’éteignit tout à fait. Il le jeta en jurant dans le fossé qui bordait la route. Il enfonça son chapeau sur ses yeux, et plongea une de ses mains dans la poche de son habit. Il tenait de l’autre main un gros bâton qu’il avait coupé sur la route, puis il continua de marcher à travers la boue et l’eau dans la direction du Moulin Noir, dont