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LA TRACE

elle parie gros que Robert ne dira pas le nom de la dame, et, à la fin, toute l’histoire est racontée et l’on boit à la santé de Valérie de Cévennes avec du vin pétillant de Moselle. Supposez tout cela, madame, et vous pourrez deviner, peut-être, d’où je tiens mes renseignements. »

Pendant ce discours Valérie n’a cessé de le regarder en face avec des yeux fixes et brillants d’un éclat étrange et sinistre ; une fois elle a porté la main à son cœur comme pour l’empêcher de palpiter et, quand il a eu fini de parler, elle glisse lentement de son fauteuil et tombe à genoux sur le tapis du foyer, ses petites mains convulsivement serrées sur sa poitrine. Mais elle n’est pas évanouie, et ne quitte pas son adversaire des yeux, c’est une femme à ne pas pleurer et à ne pas défaillir elle souffre.

« Je suis ici, madame, continue le flâneur ; et maintenant elle l’écoute avec une attention inquiète ; je suis ici dans un double but : dans mon intérêt d’abord et pour vous servir ensuite si je le puis. J’ai brutalement enfoncé le scalpel, madame, mais je puis être néanmoins un médecin expérimenté. Vous aimez ce Robert le Diable très-profondément, vous devez l’aimer ainsi puisque, pour l’amour de lui, vous avez volontairement bravé le mépris de ce que vous aimez aussi beaucoup, le monde, le grand monde dans lequel vous vivez.