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LA TRACE

Elle essaye de reprendre son occupation avec le couteau à papier, mais cette fois elle met les feuillets en morceaux en s’efforçant de les couper ; ses angoisses et sa nature féminine l’emportent sur sa fierté et sur l’énergie de sa patience ; elle froisse le livre dans ses mains crispées et le jette dans le feu. Son visiteur sourit. Son coup a porté.

Pendant quelques minutes règne le silence ; bientôt il sort son porte-cigares.

« J’ai à peine besoin de vous demander la permission, madame : tous ces chanteurs d’opéra fument, et je ne doute pas que vous ne soyez remplie d’indulgence pour les défauts de Robert le Diable.

M. de Lancy est un gentilhomme et ne se permettrait pas de fumer en présence d’une dame. Encore une fois, monsieur, soyez assez bon pour me dire quelle somme d’argent vous exigez de moi pour assurer votre silence.

— Non, madame, répond-il, en se penchant sur le feu pour allumer son cigare à la flamme du livre qui brûle, il n’y a pas de raison pour se hâter d’une manière si désespérée ; vous êtes réellement, étonnamment supérieure à la faiblesse ordinaire de votre sexe, mettant à part votre courage, votre patience et votre détermination qui sont incontestablement surprenantes, vous n’avez pas la moindre curiosité. »