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LA TRACE

la possession de ce secret ; en d’autres termes, vous voulez qu’on vous achète. Avec vos honorables talents, vous vous êtes, indubitablement, renseigné sur le montant de mes revenus ; vous savez, par conséquent, ce que je puis sacrifier pour vous payer ; soyez assez bon pour me dire le chiffre de vos prétentions, et je vous assignerai l’époque et le lieu où vous pourrez recevoir votre salaire. Vous serez assez complaisant pour ne pas perdre de temps : minuit va sonner, dans un instant M. de Lancy sera ici ; il peut ne pas être disposé à faire avec vous un aussi bon marché que moi. Il pourrait être tenté de vous jeter par la fenêtre. »

Elle dit tout cela, étant entièrement maîtresse d’elle-même ; elle aurait parlé à sa modiste avec une indifférence aussi complète qu’elle le fait en s’adressant à cet homme, avec l’aisance d’une haute éducation et un mépris glacial. En finissant, elle se jette dans son fauteuil, et, prenant un livre sur la petite table qui se trouve près d’elle, elle se met à en couper les feuillets avec un couteau à papier au manche ciselé. Mais la bataille ne fait que de commencer, et elle ne connaît pas encore son adversaire.

Il l’observe quelques instants, remarque la fermeté avec laquelle sa main coupe lentement les feuillets l’un après l’autre, sans jamais entailler le papier, puis il s’assoit résolûment en face d’elle sur le fauteuil placé de l’autre côté de la cheminée.