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LA TRACE

Le flâneur semble avoir aussi peu à faire dans cette matinée que dans la soirée de la veille ; car il s’appuie contre la porte d’entrée, sa canne à la main et un cigare à moitié consumé dans sa bouche, levant les yeux sur l’habitation du marquis, avec une paresseuse indifférence.

Le concierge, favorablement disposé par la pièce de cinq francs, est porté à la causerie.

« Une vieille construction magnifique, dit le flâneur, les yeux toujours levés sur la maison, dont chaque croisée est fermée par des jalousies d’un vert foncé.

— Oui, une vieille construction magnifique ; elle est dans la famille du marquis depuis quatre cents ans, mais elle a été mutilée dans la première révolution. Monsieur peut apercevoir les ravages du canon dans les ornements de pierre.

— Et le pavillon à gauche, avec ses vitraux coloriés et ses décorations gothiques : un petit édifice plus extraordinaire, dit le flâneur.

— Ah, Monsieur l’a remarqué ! Il est bien plus moderne que la maison, sa construction date seulement du règne de Louis XV ; il fut élevé par un vieux marquis libertin, qui donnait des soupers dans lesquels les convives avaient coutume de faire sauter le champagne par les fenêtres et de lapider les domestiques dans la cour avec les bouteilles vides. C’est certainement une petite habitation très-