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LA TRACE

qu’il a un parapluie et qu’il préfère marcher. Le brougham se retire avec le désolé Parée, qui va se consoler dans un café, où il joue l’écarté avec un jeu de cartes qui ressemblent à du papier qui a servi à faire des papillotes, et qui sont tout aussi transparentes que graisseuses.

Le spectateur des stalles, immobile dans l’ombre, entend ce petit dialogue et s’aperçoit aussi, à la lueur des lanternes de voiture, que le gentleman en pardessus n’est autre que le Robert de l’Opéra. Le flâneur semble également indifférent à la pluie, et avoir la fantaisie de marcher ; car, lorsque Robert le Diable traverse la chaussée et s’engage dans une rue opposée, le flâneur le suit. La nuit est noire, il tombe une pluie fine ; une nuit en aucune façon faite pour tenter un jeune dandy à braver tous les désagréments et les périls d’un pavé boueux et du trop plein des gouttières ; mais ni Robert le Diable, ni le flâneur ne semblent se soucier de la boue et de la pluie, car ils traversent plusieurs rues d’un pas rapide… le flâneur toujours à une petite distance derrière et dans l’ombre. Son pas est léger, et n’éveille aucun bruit sur le pavé mouillé, aussi le ténor à la mode n’a aucun soupçon d’être suivi. Il entre bientôt dans une rue retirée mais aristocratique, d’un quartier solitaire de la ville. Le fracas éloigné des voitures et les pas d’une patrouille de gendarmes, sont les seuls bruits