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LA TRACE

saient qu’il avait été primitivement cordonnier, les autres qu’il était fils d’un prince. Il avait, quoi qu’il fût, réalisé une fortune à vingt-sept ans et pouvait se permettre de rire de ces histoires. L’opéra commence et l’excellente jumelle du flâneur des stalles lui transmet les moindres changements du visage de Valérie de Cévennes. Elle apporte d’abord un vague tressaillement, et puis un serrement plus prononcé de ses lèvres minces, à l’apparition de Robert, les yeux du flâneur s’attachent plus fortement, si c’est possible, qu’auparavant sur la figure de la beauté espagnole. Bientôt Isabelle chante son grand morceau au pied de la croix ; et comme l’admirable mélodie éclate en un cri passionné de pitié et de supplication, quelque chose comme un appel semblable passe comme un éclair sur le visage de Valérie de Cévennes, dont les yeux noirs sont fixés, non pas sur la chanteuse, mais sur le héros de la scène. Au moment où la salle entière applaudit à la fin de la mélodie, le bouquet de Valérie tombe aux pieds d’Isabelle. Robert, le prend et le présente à la chanteuse, pendant qu’il agit ainsi, la jumelle du flâneur, qui plus rapidement que le bouquet n’est tombé, s’est retournée vers le théâtre, transmet un mouvement si rapide, qu’il aurait pu passer pour un exploit d’escamoteur, Robert le Diable a retiré un billet du bouquet, le flâneur saisit le regard de triomphe lancé sur la loge voisine de celle du roi,