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LA TRACE

est délicat et aquilin, et l’ensemble de ses traits porte le cachet aristocratique. Il est seul, cependant, et parmi la foule des personnes élégantes et distinguées qui l’entourent, pas une ne se retourne pour lui parler. Sa main blanche repose, négligemment sur le dossier de la stalle qu’il occupe, tandis qu’il regarde autour de la salle en essuyant nonchalamment sa lorgnette. Son attention est bientôt attirée par la conversation de deux messieurs qui sont près de lui, et sans avoir l’air de les écouter, il ne perd pas une de leurs paroles.

« La princesse espagnole est-elle ici ? demande l’un.

— Qui, la nièce du marquis, la jeune fille qui a cette immense propriété dans l’Amérique espagnole ? Oui, elle est dans la loge voisine de celle du roi ; ne voyez-vous pas ses diamants ? Ils étincellent suffisamment pour mettre en feu les rideaux de la loge.

— Elle est immensément riche, alors ?

— C’est un Eldorado. Le marquis de Cévennes n’a pas d’enfants, et toute sa fortune reviendra à la jeune fille ; sa propriété de l’Amérique espagnole lui vient de sa mère, elle est orpheline, comme vous savez, et le marquis est son tuteur.

— Elle est belle, mais il y a un peu trop du démon dans ses grands yeux noirs en amande, et dans cette petite bouche mutine. Quelle fortune pour un intriguant aventurier !