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LA TRACE

l’enfant avec une sérénité parfaite et un plaisir calme et délicieux à voir. Il y avait autre chose que l’enfant dans l’esprit de M. Peters, pendant cette soirée d’été, c’était la pensée du procès de Richard Marwood et la part qu’il y avait prise à l’aide de son sale alphabet ; il songeait peut-être au sort de Richard, Richard, un misérable fou, désespéré et incurable, emprisonné pour la vie dans un triste asile, et se consolant dans ce lieu affreux par des idées extravagantes de grandeur imaginaire. Bientôt M. Peters, avec le claquement préparatoire de ses doigts, demanda à Kuppins si elle pouvait se souvenir de la vieille fable du lion et de la mouche.

Kuppins s’en souvenait et elle commença de raconter avec volubilité comment un lion, qui avait une fois rendu un service à une mouche, se trouva pris lui-même dans un grand filet, et avoir besoin d’un ami ; comment cette mouche insignifiante avait, par sa pure industrie et sa persévérance, accompli la délivrance du puissant lion. Quant à savoir s’ils vécurent heureux ensuite, Kuppins ne pouvait le dire, mais elle ne doutait nullement qu’il n’en eût été ainsi ; cette fin étant la conclusion obligée de toute histoire, dans l’opinion de cette jeune fille.

M. Peters se gratta violemment la tête pendant ce récit, qu’il écouta la bouche arrondie, et quand elle fut finie il tomba dans une rêverie qui dura jusqu’au moment où les horloges de Slopperton sonnèrent