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LA TRACE

ment permettre que plus tard il signât Montmorency ou bien Fitz Hardinge.

Il est des natures (bien que créées par Dieu) assez ingrates et assez noires pour trouver dur et amer le traitement qu’on reçoit à l’asile ; des natures chez lesquelles la méchanceté est tellement innée, que la tyrannie ne saurait les rendre meilleures, et qui ne peuvent s’accommoder aux railleries et aux insultes que les professeurs de la quatrième classe ont souvent à subir de leurs élèves. D’autres natures aussi sont assez faibles et assez sentimentales pour ne souffrir aucun lien humain ; d’une enfance, sans père ou sans mère ; d’une jeunesse, sans sœur ou sans frère. Mais telle n’était pas l’excellente nature de Jabez North. La tyrannie le trouva doux, mais elle le laissa plus souple encore ; l’insulte le trouva patient, mais elle le rendit comme un agneau ; les paroles de mépris glissaient sur lui ; les expressions dures étaient comme des gouttes d’eau sur le marbre, tant elles étaient impuissantes à l’atteindre et à le blesser. Il supportait l’insulte d’un enfant, que de sa main puissante il aurait pu étrangler ou jeter par la fenêtre, comme il faisait d’une plume usée. Mais c’était un bon jeune homme, un bienveillant jeune homme, donnant en secret et recevant presque toujours sa récompense ouvertement. Sa main gauche savait à peine ce que faisait sa main droite, que Slopperton le savait depuis longtemps.