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LA TRACE

événements, et mistress Jabez North sonnerait bien mieux, de toutes manières, que miss Smithers.

« Peut-être, dit Sarah Anne malicieusement, peut-être a-t-il oublié sa position, et s’est-il mis dans la tête d’épouser notre jeune maîtresse. Elle a beaucoup d’argent, vous savez, miss Smithers, quoique sa figure ne soit pas très-agréable à voir. »

La figure de Sarah Anne avait une plénitude dont l’exubérance menaçait d’éclater au moment où l’on s’y attendrait le moins.

Ce fut en vain que Sarah Anne et miss Smithers firent des conjectures sur la cause probable de l’absence du sous-maître. Minuit sonna au coucou hollandais de la cuisine, à la pendule de l’escalier et à celle du salon, pièce d’horlogerie honorable et compliquée qui sonnait toujours huit heures à midi, et enfin à toutes les horloges de Slopperton, et pas de Jabez North !

Pas de Jabez North… Une figure pâle, avec des yeux brillants levés vers le ciel, était dehors, sur la triste bruyère, à trois milles de Slopperton, exposée à la fureur de l’orage impitoyable. Un malade était couché sur un misérable matelas, dans une pauvre chambre de Peter l’aveugle ; mais pas de Jabez North !

À travers l’inexorable tempête, dégouttant l’eau sous la pluie battante, la jeune fille dont le nom était Sillikens se hâtait vers Peter l’aveugle. La faible