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LA TRACE

un bien méchant homme que celui dont l’humeur suit les fluctuations du baromètre. Les gens vertueux sont toujours vertueux sans doute ; et quels que soient les changements, les hasards, les épreuves ou les tentations, ils ne peuvent être autrement que vertueux. Pourquoi donc un jour humide ou un jour sombre les attristerait-il ? Non, ils regardent passer sous leurs fenêtres des femmes et des hommes sans asile, des orphelins mouillés jusqu’aux os, et rendent grâce au ciel de n’être pas comme les autres hommes, en bons chrétiens qu’ils sont, payant régulièrement les impôts, et ne manquant jamais de se rendre aux offices les dimanches.

Tel était M. Jabez North, maître d’études à l’académie du docteur Tappenden. Ni le vent, ni la pluie, ni le brouillard ne l’affectaient le moins du monde. Un bon feu brûlait à l’une des extrémités de la salle, et l’élève Allecompain aîné venait d’être condamné à payer une amende de six pence et à copier une page de grammaire latine pour s’en être approché sans permission et y avoir chauffé les engelures de ses mains, mais Jabez North ne s’approchait jamais du feu, bien que dans sa position il eût pu le faire à tout moment. Il n’avait pas froid, ou bien, s’il avait froid, cela lui était indifférent. Il était assis devant son pupitre, occupé à tailler des plumes, ce qui ne l’empêchait pas d’entendre six jeunes gens aux nez rouges conjuguer le verbe