Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome I.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
DU SERPENT.

par conséquent impossible qu’il pût avoir connaissance de cette arrivée quand il partait. Ce n’est pas tout, messieurs. Le prisonnier, après les fatigues et les extrêmes privations qu’il avait souffertes, avait encore une autre épreuve à subir : je veux parler du bouleversement terrible occasionné par sa réconciliation avec sa mère chérie. Il n’avait presque rien mangé depuis deux jours, et on l’invita imprudemment à boire, en arrivant, une bouteille de vieux madère. Cette nuit-là, messieurs les jurés, un horrible meurtre fut commis, un meurtre aussi certain d’être découvert immédiatement, aussi gauche dans son exécution qu’épouvantable dans ses détails. Peut-il exister quelque doute que le crime n’ait été commis par mon malheureux client, le prisonnier, sous l’influence d’un accès de délire ou de folie, temporaire, si vous voulez, mais de folie amenée par une fatigue excessive, une excitation morale extraordinaire, et les effets funestes du vin qu’il avait bu ? Il a été prouvé que l’armoire avait été saccagée, et que le portefeuille qui en avait été enlevé avait été trouvé sur la personne du prisonnier. Cette circonstance peut avoir été un de ces étranges éclairs de raison que l’on remarque quelquefois dans la folie. Dans son horreur pour le crime qu’il avait commis dans son délire, le prisonnier songe à fuir ; mais la fuite exige de l’argent, et de là l’effraction de l’armoire.