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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

damnation éternelle, ainsi que le lui persuadait sa foi catholique.

La pensée de cette femme chérie lui donna le courage qui lui manquait.

« Je dois beaucoup à mes parents, pensa-t-il en lui-même, mais cela ne peut leur donner le droit de me vendre pour de l’argent. Le mariage qu’ils désiraient eût été un ignoble marché de mon cœur et de mon honneur. »

Quelques minutes après, il était debout au milieu du salon de Beaubocage, avec sa mère et sa sœur pendues à son cou et l’accablant de caresses.

Son père, moins démonstratif, mais non moins heureux de l’arrivée inattendue de son fils et héritier se tenait près de lui, debout.

« J’ai reconnu ta voix dans le vestibule ; s’écriait Cydalise, et me suis envolée de ma chambre pour venir au-devant de toi. En pareille occasion, il semble que l’on ait des ailes. Ah ! que tu as bonne mine et que tu es beau, et comme je t’aime ! s’exclamait la jeune fille, plus disposée qu’une sœur anglaise à s’extasier en pareille occasion. Sais-tu que nous commencions à nous alarmer pour toi ? Tes lettres sont devenues si rares, si froides… et pendant ce temps-là, tu complotais de venir nous surprendre… Ah ! quel bonheur de te revoir ! »

Puis la maman prit la corde, et enfin fut prononcé le nom redouté de Madelon.

Elle aussi serait bien contente, elle aussi avait été inquiète, tourmentée.

L’enfant prodigue ne répondait rien ; il ne pouvait pas parler ; son cœur faillissait ; il restait pâle et froid.

Infliger une douleur à ceux qui l’aimaient tant était pour lui une peine plus dure que la mort.