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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

triomphante jusqu’au port, protégée par sa science et son audace.

Ce ne fut pas avant d’avoir vu une petite fortune fondue dans le payement des reports, qu’il se soumit à l’inévitable.

Les erreurs d’une année avaient dévoré les fruits de neuf années de succès et le Sheldon d’alors n’était pas plus riche que l’homme qui se tenait près du lit de Halliday et attendait la venue de celle qui entre d’un même pas dans le palais des rois et dans la chaumière du pauvre.

Non-seulement il était aussi pauvre qu’en cette terrible période de son existence, dont le souvenir était douloureux même pour lui, mais il était écrasé par un fardeau encore plus lourd : il s’était créé une situation plus élevée, et la chute était plus profonde, c’était l’anéantissement complet de toutes ses chances dans la vie.

Le sommeil inquiet du spéculateur fut d’abord troublé par une vision assez étrange.

Il vit un écriteau noir attaché à la muraille sur une place publique.

Son nom était inscrit sur cet écriteau.

Dans quelque lieu que ses rêves le transportassent, partout il voyait cette hideuse planche carrée peinte en noir.

Tantôt c’était sur les murs de la chambre, tantôt à la porte de l’église, comme les propositions de Luther, tantôt au coin de la rue, à la place de l’inscription de la rue, tantôt il tranchait en noir sur le marbre blanc.

Misérable rêve, misérable homme, pour qui amasser de l’or est le seul but de la vie, et qui s’imagine que perdre cet or !… c’est tout perdre !

La conscience de ses pertes et la prochaine ruine dont