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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Dans ses rapports avec le seigneur de Cotenoir, lesquels, de simples relations d’affaires, s’étaient transformés en véritable amitié, le capitaine s’était étendu avec beaucoup d’éloquence sur sa fille, sans mère ; et Lenoble, dont les propres filles étaient privées de leur mère, avait prêté à ses discours une oreille sympathique.

« J’ai beaucoup entendu parler de vous, Mlle Paget, dit à ce moment Gustave, et de votre dévouement pour votre père. Il n’a pas de thème plus favori que celui de vos bons soins. »

Diana devint rouge.

Le père de Diana rougit également : cet adroit diplomate sentit l’embarrassante situation de sa fille et fut prompt à la secourir.

« Oui, dit-il, ma fille a été héroïque. Il est des Antigones, monsieur, qui montrent leur dévouement autrement qu’en conduisant çà et là un père aveugle. Dès sa plus tendre jeunesse, ma pauvre enfant a cherché à se suffire à elle-même ; trop fière, trop noble, pour vouloir être une Charge pour son père, dont l’affection eût voulu pouvoir lui tout donner, mais ne pouvait lui donner que peu de chose. En ce moment elle vient de sa demeure chez des étrangers pour adoucir mes heures de souffrance et d’infirmité. J’ai la confiance que vos filles ne se montrent pas moins dignes de votre affection, monsieur Lenoble.

« Ce sont d’excellentes filles, répondit le Français ; mais, pour elles, la vie n’a été qu’un rayon de soleil. Jamais elles n’ont éprouvé un vrai chagrin, si ce n’est la mort de leur mère. C’est l’orage qui prouve la qualité de l’arbre. Je désire que dans l’adversité elles sachent agir aussi noblement que l’a fait Mlle Paget. »