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AURORA FLOYD

— Maldon, — dit-il, — si j’avais eu la moindre idée de la distance, il aurait fallu que je vous visse, vous et votre banquier du Kent, considérablement dans l’embarras, avant de consentir à tuer mes chevaux pour venir à cette ridicule fête.

— Mais ce ne sera pas une fête ridicule, — répondit le jeune homme vivement. — Archibald Floyd est le meilleur homme de la chrétienté, et quant à sa fille,…

— Oh ! cela va sans dire, c’est une divinité, avec cinquante mille livres de fortune, qui sans doute seront scrupuleusement placées sur sa tête si jamais on lui laisse épouser un mauvais garnement, sans sou ni maille, comme Francis-Lewis Maldon, du 11e hussards de Sa Majesté. Quoi qu’il en soit, je ne veux pas aller sur vos brisées, mon cher ami. Entrez dans la lice et gagnez le prix ; ma bénédiction est acquise à vos vertueux efforts. Je me figure la jeune Écossaise avec des cheveux rouges (naturellement vous les qualifiez de blonds), de grands pieds et des taches de rousseur !…

— Aurora Floyd !… des cheveux rouges et des taches de rousseur !

Le jeune officier se mit à rire aux éclats en entendant cette stupéfiante plaisanterie.

— Vous la verrez dans un quart d’heure, Bulstrode, — dit-il.

Talbot Bulstode, Capitaine au 11e hussards de Sa Majesté, avait consenti à amener son camarade dans sa voiture, de Windsor à Beckenham, et à s’affubler de son uniforme, afin d’en orner la fête de Felden, principalement parce que ayant, à l’âge de trente-deux ans, parcouru toute la série des émotions et des distractions de la vie, et se trouvant réduit à l’état de prodigue épuisé sous le rapport de ce genre de monnaie, quoique assez bien pourvu sous celui des simples et viles richesses, il était trop las du monde et de lui-même pour s’inquiéter beaucoup de savoir où ses amis et ses camarades l’emmenaient. C’était le fils aîné d’un riche baronnet de Cornouailles, dont un ancêtre avait reçu son titre directement des mains du roi Jacques d’Écosse, à l’époque où les baronnies avaient commencé à