Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
AURORA FLOYD

Je ne sais si c’est par soumission à cette supériorité palpable de force et de vitalité dont était douée la nature d’Aurora et qui semblait l’élever au-dessus de ses compagnes, ou simplement par cet esprit de flatterie commun aux meilleurs d’entre nous, mais Mme Alexandre et sa blonde fille avaient toujours un muet respect pour l’héritière du banquier ; elles se taisaient quand cela lui plaisait, ou causaient, selon son royal caprice. Je crois vraiment que c’étaient les yeux d’Aurora plutôt que les millions de Floyd qui en imposaient à ses parentes, et que, si elle eût été une balayeuse des rues, vêtue de haillons et mendiant un sou, on l’eût crainte, on lui eût fait place, et l’on n’eût soufflé mot lorsqu’elle eût été en colère.

Aux arbres de la grande avenue de Felden étaient suspendues des lanternes de couleur étincelantes, pour éclairer les invités à la fête donnée en l’honneur de l’anniversaire de la naissance d’Aurora. La grande rangée de fenêtres du rez-de-chaussée flamboyait ; les accords de la musique dominaient par intervalles le roulement perpétuel des roues de voitures et l’annonce répétée à haute voix des noms des arrivants, et ils éveillaient les échos des bois plongés dans le silence. À l’extrémité d’une enfilade d’une demi-douzaine de salons donnant les uns dans les autres, les eaux d’une fontaine, auxquelles la lumière prêtait mille reflets brillants, jaillissaient au milieu des richesses florales d’une serre remplie d’arbustes exotiques. De grosses touffes de plantes tropicales étaient groupées dans l’immense vestibule, et des guirlandes de fleurs étaient suspendues aux rideaux des portes et des fenêtres cintrées. Tout n’était que lumière et splendeur, et, au milieu de toute cette magnificence qu’elle surpassait, dans la sombre majesté de sa beauté, Aurora couronnée d’écarlate et vêtue de blanc, se tenait à côté de son père.

Au nombre des invités qui arrivèrent fort tard au bal de Floyd, se trouvaient deux officiers, en garnison à Windsor, qui avaient traversé la campagne dans un phaéton. Le plus âgé, c’était celui qui avait conduit la voiture, avait été d’une humeur fort maussade et fort désagréable durant tout le trajet.