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AURORA FLOYD

indignation, en désignant le portrait de sa mère, que tu aies le droit d’avoir une pareille opinion de moi ? Est-ce que…

Son emportement arrivait à son comble, lorsque soudain elle tomba aux pieds de son père, et éclata en larmes et sanglots.

— Père… père… aie pitié de moi ! — s’écria-t-elle, — aie pitié de moi !…

Il la prit dans ses bras, l’attira sur lui et la consola, comme il l’avait consolée de la perte d’un petit terrier d’Écosse, douze années auparavant, lorsqu’elle pouvait encore s’asseoir sur ses genoux, et cacher sa tête dans son gilet.

— Avoir pitié de toi, ma chère enfant ! — dit-il. — Que ne ferais-je point pour t’épargner un moment de peine ? Si ma malheureuse existence pouvait te soulager, si…

— Me donneras-tu cet argent, père ? — demanda-t-elle en le regardant d’un air câlin, au milieu de ses larmes.

— Oui, ma chérie, demain matin.

— En billets de banque ?

— Comme il te plaira. Mais pourquoi fréquenter ces gens-là ? Pourquoi écouter leurs inconvenantes demandes ? Pourquoi ne point dire la vérité ?

— Ah ! pourquoi, en vérité ! — dit-elle d’un air pensif. — Ne me fais point de questions, cher père, mais donne-moi l’argent demain, et je te promets que ce sera la dernière fois que tu entendras parler de mes anciens chagrins.

Elle fit cette promesse avec une assurance telle, que son père eut un rayon d’espoir.

— Viens, mon père adoré, — dit-elle, — ta chambre est près de la mienne, montons ensemble.

Elle passa son bras sous le sien, et, le conduisant jusqu’en haut du grand escalier, ne le quitta qu’à la porte de sa chambre.

Floyd fit venir sa fille dans son cabinet le lendemain matin de bonne heure, tandis que Bulstrode décachetait ses lettres, et que Lucy se promenait de long en large sur la terrasse avec Mellish.