Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
269
AURORA FLOYD

— Tu as été entraînée par quelques connaissances, par quelques-uns des amis de ce… ?

— Non.

— Quoi, alors ?

— Je ne puis te le dire.

Ils gardèrent le silence pendant quelques minutes. Floyd implorait sa fille du regard, mais elle ne répondait pas à ce regard rempli d’amour. Aurora restait devant son père l’œil fier et sombre, les paupières abaissées sur ses noires prunelles, non par honte, non par humiliation, mais seulement avec la ferme résolution de ne pas se laisser attendrir par la vue des chagrins de son père.

— Aurora, — dit-il enfin, — pourquoi ne pas prendre le plus sage et le plus sûr moyen ? Pourquoi ne pas dire la vérité à Mellish ? Le danger disparaîtrait, la difficulté serait surmontée. Si tu es persécutée par cette vile engeance, qui mieux que lui peut te venir en aide ? Dis-lui, Aurora… dis-lui tout !

— Non… non… non !…

Elle couvrit son pâle visage de ses deux mains.

— Non… non… pour rien au monde !… — s’écria-t-elle.

— Aurora, — dit Floyd avec un air de fermeté croissante qui s’étendit sur sa figure, et couvrit d’un sombre nuage la physionomie bienveillante du vieillard, Aurora, que Dieu me pardonne de dire de telles paroles à mon enfant, mais je dois insister pour que tu me dises que ce n’est point un nouvel aveuglement, une nouvelle folie qui te pousse à…

Il ne put terminer sa phrase.

Mme Mellisch laissa retomber ses mains, et le regarda avec des yeux qui lançaient des éclairs, et les joues empourprées.

— Père, — s’écria-t-elle, — comment oses-tu m’adresser une semblable question ? Un nouvel aveuglement !… une nouvelle folie !… Crois-tu que je n’aie point assez souffert des folies de ma jeunesse ? N’ai-je point assez payé l’égarement de mon enfance, pour que tu me parles ainsi ce soir. Suis-je donc d’une si basse extraction, — dit-elle avec