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AURORA FLOYD

pendant lesquelles Aurora resta pensive furent autant d’heures pour son âme inquiète. Elle parla enfin.

— Veux-tu venir dans ton cabinet, papa, — dit-elle ; — cette chambre est si grande et si tristement éclairée ! J’ai toujours peur que dans les coins il n’y ait des oreilles qui nous écoutent.

Elle n’attendit point la réponse de son père, mais elle se dirigea vers une pièce située de l’autre côté de la salle, la chambre dans laquelle son père et elle s’étaient enfermés la veille de son départ pour Paris. Le portrait au pastel d’Éliza Floyd avait l’air de regarder Archibald et sa fille. La figure était si bien éclairée, et le sourire si naturel, qu’il était difficile de penser que c’était celui d’une morte.

Le banquier parla le premier.

— Mon enfant adorée, — dit-il, — que me veux-tu ?

— De l’argent, père ; deux mille livres.

Elle arrêta son geste de surprise, et continua avant qu’il eût pu l’interrompre.

— L’argent que tu m’as donné lors de mon mariage avec John est placé dans notre maison de banque, je le sais. Je sais aussi que je puis quand il me plaira tirer à vue sur mon compte ; mais j’ai pensé que si je faisais un bon de deux mille livres, la somme pourrait attirer l’attention et peut-être le billet tomber entre tes mains. Si cela fût arrivé, peut-être eusses-tu été alarmé, ou au moins étonné. J’ai donc pensé qu’il valait mieux m’adresser directement à toi, et te demander cet argent ; d’autant plus qu’il me le faut en billets de banque.

Archibald devint très-pâle. Il était resté debout pendant qu’Aurora avait parlé, mais à peine eut-elle terminé, qu’il tomba sur une chaise auprès de son petit bureau, et, appuyant son coude sur le pupitre ouvert, il soutint sa tête dans sa main.

— Pour quel motif as-tu besoin de cet argent, ma chère enfant ? — demanda-t-il gravement.

— Ne t’occupe point de cela, père. C’est de l’argent qui m’appartient, n’est-ce pas, et je puis le dépenser comme je l’entends.