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AURORA FLOYD

une admirable chose, que d’occuper un château assez vaste pour servir d’hôpital, et de prendre son repas au bout d’une table suffisamment grande pour servir à une réunion de directeurs de chemins de fer. Floyd ne pouvait seul occuper les deux cheminées de son grand salon, et il se trouvait bien isolé, en regardant, assis dans son fauteuil, tout cet encombrement de coussins de velours, de damas satiné, de meubles de Boule, de malachite, de porcelaine, de cristal, d’or moulu, et tous ces fauteuils vides. Il avait froid dans sa triste opulence ; son tapis de velours, de quarante-cinq pieds sur trente, n’était qu’une pincée de sable jaune dans le désert du Grand Sahara, pour la satisfaction qu’il en tirait.

La salle de billard était encore peut-être plus triste, car les queues ainsi que les billes étaient devenues précieuses depuis qu’elles avaient été touchées par Aurora, et une longue reprise se voyait sur le tapis vert, indiquant l’endroit où Mlle Floyd l’avait déchiré lors de ses premiers essais au jeu de billard.

Le banquier jeta un dernier regard sur ces deux pièces splendides, et en remit les clefs à la gouvernante.

— Prenez soin de ces pièces, madame Richardson, — dit-il, — et ne manquez pas de leur donner de l’air ; mais je ne les habiterai que lorsque je recevrai la visite de M. et Mme Mellish.

Puis ayant fermé les portes de ses grands appartements, Floyd se retira dans cette petite chambre si commode dans laquelle il conservait les quelques reliques d’un passé malheureux.

On pourra dire que le banquier écossais était un vieillard bien stupide, et qu’il aurait pu inviter dans son splendide manoir des voisins de campagne, qu’il aurait pu convoquer ses neveux et leurs femmes, ainsi que le ban et l’arrière-ban de ses petits neveux et petites nièces, et, de cette façon, égayer l’habitation par des voix jeunes et fraîches, et rendre les longs corridors bruyants avec le piétinement incessant de maints petits pieds. Il eût pu rassembler autour de son foyer désert les célébrités artistiques et