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AURORA FLOYD

levée, et avait tout l’air d’une statue représentant à la fois l’inquiétude et la sympathie. — Vous saviez que j’étais au jardin.

— Oui ; mais j’ai cru que vous étiez rentrée, ma chère madame Mellish, — dit la veuve, s’emparant avec empressement du châle d’Aurora qu’elle essayait de lui ôter, mais que Mme Mellish lui arracha vivement des mains. — Je vous ai vue sortir, c’est vrai, et je vous ai vue quitter la pelouse dans la direction de la grille du nord, mais je vous croyais rentrée depuis quelque temps.

La couleur disparut des joues de Mellish.

— La grille du nord ? — dit-il. — Venez-vous de la loge du nord ?…

— Je suis allée dans la direction de la grille du nord, — répondit Aurora en appuyant avec ironie sur ces mots. — Les renseignements que vous donnez sont parfaitement exacts, madame Powell ; cependant j’ignorais que vous m’eussiez fait l’honneur d’épier mes actions.

Mellish ne paraissait pas avoir entendu ces dernières paroles. Il regardait alternativement sa femme et la gouvernante avec l’expression embarrassée d’un homme en qui vient de surgir un nouveau doute. C’était vraiment pénible à voir.

— La loge du nord ! — répétait-il. — Qu’alliez-vous faire là, Aurora ?

— Voulez-vous que je reste ici dans mes vêtements trempés pendant que je vais vous le dire ? — demanda Mme Mellish, dont les grands yeux s’illuminaient d’indignation. — Si vous voulez une explication pour la satisfaction de Mme Powell, je puis la donner ici ; si c’est seulement pour la vôtre, je vous la donnerai aussi bien là-haut.

Elle s’avança vers la porte, traînant après elle son châle mouillé ; mais sa démarche n’était pas moins majestueuse dans ses vêtements trempés ; c’était Sémiramide ou Cléopâtre sorties par un temps de pluie. Mais à la porte elle s’arrêta, et, s’adressant à son mari, elle lui dit :

— J’aurai besoin que vous me conduisiez à Londres demain, monsieur Mellish.