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AURORA FLOYD

— Non, madame ; je crains bien que Mme Mellish ne soit exposée à la pluie. Jarvis s’apprête à aller la chercher avec une lanterne et un parapluie.

— Jarvis peut rester où il est ; Mme Mellish est rentrée depuis une demi-heure. Vous pouvez fermer toutes les portes et mettre les verrous pour la nuit.

— Oui, madame.

— À propos, quelle heure est-il, Wilson ? ma montre retarde.

— Dix heures un quart, madame, à la pendule de la salle à manger.

Wilson ferma la porte du vestibule, et l’assujettit avec une immense barre de fer, d’un mécanisme assez compliqué, à laquelle était adaptée une sonnette pour prévenir le cas où des voleurs se seraient introduits dans la maison.

Du vestibule, Wilson passa dans le salon où il ferma avec soin la longue rangée de fenêtres, du salon à l’office, de l’office à la salle à manger où il ferma la porte vitrée ouvrant sur le jardin. Cela terminé, toute communication entre la maison et le jardin était impossible.

— Quoi qu’il arrive, il saura ses menées, — pensa Mme Powell en épiant les pas du valet pour voir s’il faisait ce qu’elle lui avait ordonné.

Les domestiques n’avaient pas une affection bien vive pour la gouvernante, et, en rentrant à l’office, il fit part à ses camarades des exigences et de la sécheresse toujours croissantes de la vieille, qui épiait leurs mouvements comme un vieux chat épie ceux d’une souris. Wilson était de Londres et il avait été importé tout récemment dans la maison.

Quand la veuve sut tous les verrous consciencieusement tirés et les clefs tournées dans les serrures, elle revint au salon et s’assit près d’une table éclairée, pour s’occuper à quelque délicate tapisserie ou à tout autre ouvrage affectionné des vieilles filles, et qui devait être un pendant de la broderie de Pénélope, car elle semblait avancer la nuit et rétrograder le jour. Elle avait vivement lissé ses cheveux et remis de l’ordre dans ses ajustements, et elle était d’une propreté aussi rigide que lorsqu’elle descendait