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AURORA FLOYD

nouvel entraîneur. Ce souvenir n’était rien ; mais si l’on ajoutait à cela la lettre mystérieuse signée d’un A, c’était plus qu’il n’en fallait pour faire couler une joie frémissante, horrible et sauvage dans les veines glacées de la gouvernante. Qu’allait-elle faire ? Suivre Mme Mellish, et découvrir où elle allait ? Jusqu’à quel point le succès de cette tentative était-il certain ?

Elle revint sur ses pas et regarda encore une fois à travers la fenêtre du cabinet de Mellish. Il était toujours penché sur ses papiers, toujours dans le même embarras. Il semblait qu’il y eût peu de chance qu’il eût terminé bientôt. La nuit sans étoiles et ses vêtements noirs mettaient la veuve à l’abri de toute observation.

— Si j’étais derrière elle, elle ne me verrait pas, — pensa-t-elle.

Elle traversa la pelouse et passa dans le parc. Les ronces et les longues herbes emmêlées s’attachaient à sa robe. Elle s’arrêta un moment pour regarder autour d’elle.

Nulle part elle ne voyait la forme blanche d’Aurora parmi les allées touffues qui s’étendaient en désordre devant elle.

— Je ne chercherai pas à savoir le sentier qu’elle a suivi, — pensa Mme Powell ; — je sais où la trouver.

Elle s’avança par le sentier étroit conduisant à la loge. Elle ne connaissait pas assez intimement les lieux pour prendre le chemin que l’idiot avait suivi dans l’herbe quelques heures plus tôt, et elle mit quelque temps à franchir la distance qui séparait la grille de la loge.

Les fenêtres de la façade de l’habitation stique faisaient face à la route et à la grille abandonnée ; le derrière de la maison, au contraire, faisait face au sentier qu’avait pris Mme Powell, et les deux petites fenêtres percées de ce côté du mur étaient noyées dans l’obscurité.

La veuve de l’enseigne passa doucement de l’autre côté, regarda prudemment autour d’elle, et écouta. On n’entendait que le bruissement des feuilles, tremblantes même dans cette atmosphère si calme, comme par l’effet d’une prescience intime de l’orage qui approchait. Elle s’avança