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AURORA FLOYD

porte, puis elle traversa résolument l’appartement en se dirigeant vers la fenêtre la plus éloignée de celle devant laquelle Mme Powell était assise.

— Est-ce que vous allez au jardin par cette vilaine soirée, madame Mellish ? — dit la veuve.

Aurora s’arrêta à mi-chemin entre la porte et la fenêtre pour lui répondre.

— Oui, — dit-elle sèchement.

— Permettez-moi de vous donner le conseil de ne pas trop vous éloigner, nous allons avoir de l’orage.

— Je ne le pense pas.

— Comment, ma chère madame Mellish, n’entendez-vous pas le grondement lointain du tonnerre ?

— Je courrai la chance d’être surprise par lui. Le temps a été menaçant pendant toute l’après-midi. La maison m’est insupportable ce soir.

— Mais assurément vous ne vous éloignerez pas ?

Mme Mellish ne parut pas entendre cette observation. Elle se hâta de quitter le salon pour se diriger sur la pelouse, puis au nord du parc, vers la grille en fer à travers laquelle elle avait vu l’idiot.

De lourds nuages paraissaient se concentrer au-dessus des arbres du parc, recouvrant pour ainsi dire la terre d’un toit de fer brûlant, comme ces chambres de torture en métal, si ingénieusement combinées, dont nous lisons la description dans les romans ; mais la pluie n’était pas venue encore.

— Qui peut la conduire au jardin par une soirée comme celle-ci ? — pensait Mme Powell, en voyant la robe blanche disparaître dans l’obscurité. — Il va faire nuit noire dans dix minutes, et elle n’est pas ordinairement très-portée à sortir seule la nuit.

La veuve de l’enseigne déposa le livre qui paraissait l’intéresser si vivement, et gagna sa chambre, où elle choisit, parmi sa nombreuse garde-robe, un très-confortable manteau gris. Elle s’enveloppa de ce manteau, descendit rapidement et sans bruit l’escalier, et gagna le jardin par une petite porte qui se trouvait près de la chambre occupée par