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AURORA FLOYD

— Mais pour sa satisfaction particulière, cher.

— Bien, bien, Lolly, ce sera pour demain matin, alors.

— Non, cher ; j’aurais besoin de lui pour m’accompagner demain matin.

— Demain soir alors.

— Vous avez donné rendez-vous au Capitaine à la Citadelle, — dit Aurora en riant, — ce qui veut dire que vous dînez à Holmbush avec le Colonel Pevensey. Allons, cher ami, j’insiste pour qu’une fois dans votre vie vous vous occupiez sérieusement d’affaires ; venez dans votre sanctuaire, et nous enverrons chercher Langley et ses comptes.

Le joli tyran passa son bras dans le sien et l’emmena de l’autre côté de la maison, dans cette même pièce où elle s’était évanouie à la lecture de la lettre de Pastern. En fermant la fenêtre, elle jeta dans l’obscurité un regard plein de mélancolie. L’orage n’était pas encore déclaré, mais de sinistres nuages passaient à une faible hauteur, et l’atmosphère brûlante était lourde, et l’on ne respirait point. Mme Mellish étala merveilleusement son aptitude aux affaires et paraissait prendre un intérêt énorme aux mémoires des marchands de grains, des vétérinaires, des selliers et des harnacheurs, avec lesquels le vieux piqueur embarrassait furieusement son maître. Mais dix minutes environ après que John eut entrepris ce pénible labeur, Aurora déposa le crayon avec lequel elle venait de tracer un calcul (par un procédé entièrement original, bien fait pour révolutionner Cocker, et réduire à néant cette règle banale qui prouve que deux et deux font quatre), et s’échappa doucement, en faisant une vague promesse de revenir bientôt, abandonnant Mellish à ses calculs et à son désespoir.

Mme Powell se trouvait au salon et lisait, quand Aurora rentra la tête et les épaules enveloppées d’un grand châle de dentelle noire. Mme Mellish avait évidemment compté ne trouver personne au salon, car elle fit un mouvement de surprise, et se retira à la vue de la veuve, qui se tenait contre une fenêtre éloignée, profitant des dernières lueurs du jour. Aurora s’arrêta un moment à quelques pas de la