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AURORA FLOYD

fumer un cigare dehors… si vous voulez venir avec moi, Lolly…

— Oh ! mon gros campagnard, — dit Mme Mellish en riant, — je crois vraiment que vous voudriez me voir fumer un de vos manilles, ne fût-ce que pour vous tenir compagnie.

— Non, très-chère, je ne voudrais jamais vous voir faire une chose qui ne serait pas convenable, qui serait incompatible avec les manières de la plus noble lady et les devoirs de la femme la plus respectable de l’Angleterre, — dit Mellish avec gravité. — Si j’aime à vous voir dans la campagne, une plume rouge à votre chapeau, c’est parce que je pense que le bon vieux sport des gentilshommes anglais doit être partagé par leurs femmes, plutôt que par des gens que je ne veux pas nommer, et parce qu’il y a chance que la vue de votre chapeau espagnol avec sa plume écarlate, au rendez-vous de chasse, puisse d’une manière ou d’une autre tenir éloignée du champ Mlle Wilhelmina de Lancy (née Scroggins et baptisée Sarah).

Mellish se tenait debout sur le Seuil d’une porte vitrée qui ouvrait sur un perron conduisant à la pelouse, et c’est là qu’il débita cette tirade dont la gravité était tout à fait en dehors de la teneur ordinaire de ses discours. Il tenait à la main un cigare qu’il allait allumer quand Aurora l’arrêta.

— Cher John, — dit-elle, — mon cher John, vous qui êtes si peu apte aux affaires, avez-vous oublié que le pauvre Langley est pressé de vous voir, pour vous rendre les anciens comptes, avant que le nouvel entraîneur n’entre en fonction ? Il est venu une demi-heure avant le dîner, et a demandé que vous voulussiez bien le voir ce soir.

Mellish haussa les épaules.

— Langley est le plus honnête homme qu’il y ait sur terre, — dit-il. — Je n’ai pas besoin de voir ses comptes. Je sais ce que l’écurie me coûte par année en moyenne, et cela me suffit.