— Combien de temps les navires les plus rapides mettent-ils pour aller en Australie, John ? — demanda-t-elle tranquillement.
Mellish demeura le verre en main et le bras levé pour considérer sa femme après la question qu’elle venait de lui faire.
— Combien de temps les vaisseaux les plus rapides mettent-ils pour aller en Australie ? — répéta-t-il. — Bon Dieu ! Lolly, comment le saurais-je ? Trois semaines ou un mois. Non, je veux dire trois mois ; mais, miséricorde ! Aurora, pourquoi voulez-vous savoir cela ?
— La durée moyenne du voyage est d’environ trois mois, je suppose, mais quelques paquebots fins voiliers le font en soixante-dix et même soixante-huit jours, fit observer Mme Powell, fixant avec insistance sur le visage distrait d’Aurora ses yeux que protégeaient des cils blancs.
— Mais pourquoi, bonté divine, voulez-vous savoir cela, Lolly ? — répéta Mellish. — Vous n’avez pas besoin d’aller en Australie, et vous ne connaissez personne qui soit sur le point de s’y rendre.
— Peut-être Mme Mellish prend-elle intérêt au mouvement de l’émigration des femmes, — suggéra Mme Powel. — C’est une bien excellente œuvre.
Aurora ne répondit ni directement, ni indirectement à cette question. On avait ôté la nappe (car les usages modernes n’avaient rien changé à l’économie conservatrice de Mellish Park), et Mme Mellish demeura avec une grappe de groseilles blanches à la main, regardant sur l’acajou luisant la réflexion de son visage.
— Lolly ! — s’écria Mellish après avoir considéré sa femme pendant quelques minutes, — vous êtes aussi grave qu’un juge. À quoi pouvez-vous penser ?
Elle le regarda avec un sourire charmant, et se leva pour sortir de la salle à manger.
— Je vous le dirai un de ces jours, John, fit-elle. Venez-vous avec nous, ou allez-vous fumer sur la pelouse ?
— Si vous voulez venir avec moi, chère… — répondit-il on lui rendant son sourire accompagné d’un regard qui