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AURORA FLOYD

réception de la lettre de Pastern. Il avait tout oublié, sinon que son Aurora était la plus tendre et la plus dévouée des femmes, et qu’il avait en elle une confiance qu’entretenait l’honnêteté de son cœur.

— Pourquoi douterais-je d’une créature si noble, si impétueuse ? — pensait-il ; — chacun de ses sentiments, chacune de ses pensées ne s’écrit-elle pas elle-même sur son charmant front et sur son expressif visage en caractères que le plus inintelligent des hommes pourrait lire ? Quand elle est contente de moi, quels brillants sourires s’allument dans ses yeux noirs ! Si je la contrarie, ce que je fais, pauvre idiot que je suis, cent fois par jour, comme les deux petits arcs noirs se contractent au-dessus de ce nez impertinent et charmant, tandis que ses lèvres roses expriment la défiance et le dédain. Faut-il la soupçonner parce qu’elle me cache un secret et qu’elle me dit franchement qu’il faut renoncer à le jamais connaître : tandis qu’une femme rusée essayerait de me tranquilliser à l’aide d’un ignoble mensonge inventé pour me tromper ? Que Dieu la garde ! jamais plus un soupçon sur elle n’obscurcira ma vie, quoi qu’il advienne.

Il était facile à Mellish de faire mentalement ce serment, car il croyait fermement que l’orage était passé, et que le calme était rétabli pour toujours.

— Chère Lolly, — dit-il en enlaçant de son bras la taille de sa femme, — je vous croyais perdue.

Elle le regarda avec un sourire plein de tristesse.

— Cela vous chagrinerait-il beaucoup, John, si vous me perdiez réellement ?

Il tressaillit comme s’il venait de recevoir un coup, et consulta avec inquiétude son visage extrêmement pâle.

— Si cela me chagrinerait, Lolly ! — répéta-t-il, — pas longtemps, car ceux qui assisteraient à vos funérailles viendraient bientôt aux miennes. Mais, ma chère enfant, qui peut vous avoir donné l’idée de me faire une pareille question ? Êtes-vous malade, très-chère ? Depuis quelques jours, vous êtes pâle et semblez fatiguée, et je n’ai pensé à rien. Quel misérable je fais !