Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
231
AURORA FLOYD

Le rusé Hargraves lut sur le visage d’Aurora un sentiment de haine, outre le mépris qu’elle avait pour lui, et il prit un sauvage plaisir à la tourmenter. Elle frappa violemment du pied sur le gazon, et reprenant la lettre où elle l’avait placée, elle déchira l’enveloppe, et lut les quelques lignes qu’elle contenait. Bien qu’elles fussent peu nombreuses, elle ne demeura pas moins de cinq minutes tenant la lettre ouverte dans sa main, séparée de l’idiot par la grille en fer, et perdue dans ses pensées. Le silence ne fut rompu pendant tout ce temps que par les grognements que faisait entendre par intervalles Bow-wow ; il soulevait sa lourde tête, et faisait voir ses dents, maintenant branlantes, à son vieil ennemi.

Elle déchira la lettre en mille morceaux qu’elle jeta aux vents, puis elle reprit la parole.

— Oui, — dit-elle enfin ; — dites cela à votre maître.

Hargraves porta la main à sa casquette, et reprit le chemin qu’il avait suivi en venant pour porter à l’entraîneur la réponse qu’il attendait.

— Elle me hait assez, — se dit-il en s’arrêtant pour regarder encore une fois la forme blanche qui se détachait sur la pelouse, — mais elle le hait bien davantage.


CHAPITRE XVIII

Par la pluie.

La cloche annonçant le dîner sonna pour la seconde fois, cinq minutes après le départ de l’idiot, et Mellish sortit sur la pelouse pour chercher sa femme. Il marchait sur l’herbe en sifflant et fouettant les roses avec son mouchoir d’une façon tout à fait joyeuse ; il avait complétement oublié l’angoisse de cette malheureuse matinée qui avait suivi la