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AURORA FLOYD
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époque, il recueillait les avantages d’une jolie figure ; car des matrones au cœur tendre qui fussent demeurées sourdes aux cris d’un pauvre enfant au nez camard, caressaient le bel enfant, et avaient pitié de lui.

Il avait donc appris, dès sa plus tendre enfance, à tirer parti de sa beauté, et à obtenir le plus qu’il pouvait de cette marchandise ; il avait grandi sans principes et apporté dans le monde sa belle figure, afin qu’elle aidât à sa fortune. Il était dépensier, paresseux luxurieux, et égoïste ; mais il avait cette gracieuse et nonchalante aisance de manières qui passe auprès des observateurs superficiels pour un bon naturel. Il n’eût pas fait trois pas en dehors de son chemin pour rendre service à son meilleur ami ; mais il montrait en souriant ses magnifiques dents blanches, avec une libéralité égale à tout le monde ; et ce sourire lui avait valu de passer pour un excellent camarade, pour un garçon plein de cœur. Il savait mettre en œuvre cette mousse dorée de générosité, qui passe si souvent pour de l’or franc. Il était habile dans le maniement de ces dés pipés, qui sonnent comme des dés honnêtes ; une tape sur le dos, une cordiale poignée de mains équivalaient souvent de sa part au prêt d’un souverain de la part d’un autre homme, et Conyers passait réellement parmi les gentlemen douteux qu’il fréquentait, pour un excellent garçon qui n’avait d’autre ennemi que lui-même. Il avait cette intelligence du Cockney qui passe généralement pour la connaissance du monde ; connaissance du vilain côté du monde, ignorance complète de tout ce qui est noble sur la terre ; c’est plutôt ainsi qu’on devrait la définir. Il avait étudié dans les rues de Londres, et pris ses degrés sur le champ de courses ; il n’avait jamais lu d’autre littérature que les journaux du dimanche et l’Almanach des Courses ; mais il était parvenu à faire paraître énorme le peu qu’il savait, et ceux qui l’employaient parlaient généralement de lui comme d’un jeune homme supérieur, bien au-dessus de sa condition.

Conyers se montra parfaitement satisfait du cottage rustique qu’on lui avait choisi pour logement ; il surveilla le transport, opéré par les garçons d’écurie, des meubles choisis pour