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AURORA FLOYD

Mellish avait fait appeler un charpentier qui devait réparer le cottage de la grille du nord pour l’installation de Conyers ; et Langley, le vieux piqueur, devait recevoir son collègue, et le conduire aux écuries.

Le nouvel entraîneur arriva à la grille, au coucher du soleil ; il était accompagné par l’importante personne d’Hargraves, l’idiot, qui avait été flâner à la station dans l’espoir de quelque aubaine, et que Conyers avait chargé du transport de son portemanteau.

À la grande surprise de l’entraîneur, Hargraves déposa son fardeau à la grille du parc.

— Vous aurez à trouver une autre personne pour faire le reste du chemin, — dit-il en touchant du doigt sa casquette graisseuse, et en étendant sa large main pour recevoir le payement de sa course.

Conyers était assez fendant de sa personne ; en un mot, J avait en lui beaucoup du rodomont, de sorte qu’il se tourna brusquement vers l’idiot, et lui demanda ce que diable il voulait dire.

— Je veux dire que je ne puis dépasser la grille que voici, — murmura Hargraves ; — je veux dire que j’ai été chassé de cette maison, où j’avais vécu homme et enfant pendant quarante ans, chassé comme un chien, poussé dehors par les épaules, etc.

Conyers jeta le bout de son cigare, et lança sur l’idiot un regard hautain.

— Que veut dire cet homme ? — demanda-t-il à la femme qui venait d’ouvrir la grille.

— C’est, voyez-vous, que le pauvre garçon est un peu toqué, monsieur ; lui et Mme Mellish ne s’entendaient pas très-bien ; elle est un peu vive, et j’ai entendu dire qu’elle l’avait cravaché parce qu’il avait battu son chien favori. Quoi qu’il en soit, monsieur l’a renvoyé.

— Parce que madame l’avait cravaché ? Voilà la justice envers les serviteurs, dans le monde entier, — dit l’entraîneur en riant.

Et il alluma un nouveau cigare à l’aide d’un briquet en métal, qu’il tira de la poche de son gilet.