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AURORA FLOYD

— Conyers était au service de votre père, — dit-il d’une voix triste ; — mais pourquoi ce nom prononcé devant vous hier vous a-t-il causé une telle émotion ?

— Je ne puis vous le dire.

— C’est donc un autre secret, Aurora, — dit-il d’un ton de reproche ; — ou bien cet homme est-il mêlé au secret dont vous m’avez parlé au château d’Arques ?

Elle ne lui répondit pas.

— Ah ! je vois, je comprends, Aurora, — ajouta-t-il après une pause. — Cet homme a servi à Felden ; c’est un espion peut-être ; et il a découvert le secret, et il en a abusé ainsi que font souvent ces sortes de gens. C’est là ce qui a causé votre émotion. Vous craignez qu’il ne vienne ici pour vous tourmenter, en faisant usage de ce secret pour vous extorquer de l’argent, et vous tenir perpétuellement sous sa griffe par la terreur qu’il vous inspire. Je crois que je comprends tout. N’est-ce pas ?… Est-ce cela ?…

Elle fixa les yeux sur lui ; l’expression de son visage, en ce moment, était celle d’une bête fauve pourchassée qui se sent acculée.

— Oui, John.

— Cet homme… ce groom… sait quelque chose du… du secret ?

Mellish détourna la tête, et cacha sa tête dans ses mains. Quelle cruelle, angoisse ! quelle amère dégradation ! Cet homme, un groom, un valet, était dans la confidence de sa femme, et avait le pouvoir de se faire craindre d’elle au point que son nom seul suffisait pour la faire évanouir et tomber par terre comme frappée de mort. Au nom du ciel ! que pouvait être ce secret que possédait un valet, et qui cependant ne pouvait lui être confié ? Il se mordit les lèvres jusqu’à ce que ses dents rencontrassent la chair vive, tant était grande la douleur que faisait naître en lui cette pensée. Qu’était-ce ? Il avait juré une minute plus tôt d’avoir une confiance aveugle jusqu’à la fin ; et pourtant… pourtant… Tout son corps tremblait de la tête aux pieds ; le doute et le désespoir s’élevaient dans son âme comme deux démons